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DÉBAT MERCATOR

FAUT-IL ENCORE CROIRE À L’AVENIR DE LA PUBLICITÉ ?


Jacques LENDREVIE et Julien LÉVY

e

Ce dossier enrichit le chapitre 8 de Mercator 10 éd., 2013.
e

Il accompagnait initialement Mercator 9 éd. : des références
complémentaires ont été ajoutées concernant les données
statistiques.

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Au cours des deux dernières décennies, la publicité (c’est-à-dire les messages insérés à
titre onéreux dans les grands médias) a progressivement perdu la place hégémonique
qu’elle tenait dans la communication des marques et des produits de grande
consommation. Internet accélère cette évolution en proposant de nouveaux modes de
communication qui peuvent être des substituts ou des compléments à la publicité.
Peut-on, pour autant, parler de déclin de la publicité et – si déclin il y a – à quoi tient- il,
comment se manifeste-t-il dans les pratiques des annonceurs et jusqu’où peut-il aller ?
L’efficacité de la publicité est-elle en cause ? Est-ce principalement en raison de la saturation
croissante des publics cibles ou, plus fondamentalement, de l’usure progressive mais
inexorable du modèle publicitaire qui n’a pas su se renouveler ?
Toutes ces questions sont abordées dans ce dossier mais elles se posaient bien avant la
survenue d’Internet analysée souvent trop rapidement comme une remise en question,
voire une menace pour la publicité traditionnelle. Est-ce si sûr ?
Internet met en danger les acteurs majeurs de la publicité (grands médias et agences de
publicité) qui ne sauront pas profiter des opportunités du Web. Mais Internet peut être aussi
compris comme une chance pour la publicité qui trouvera en ligne un nouveau souffle. Dans
deux ou trois ans, au plus, Internet sera le troisième média publicitaire derrière la télévision et
la presse. Plus important encore, Internet réinvente la publicité avec les liens commerciaux et
l’interactivité et amène les annonceurs à repenser globalement leur politique de
communication. La publicité, sous ses formes traditionnelles et nouvelles, y aura une place
qui ne sera pas nécessairement prioritaire comme c’était le cas jadis, mais elle restera
indispensable pour construire la notoriété et l’image des marques.
Faites-vous votre opinion sur l’avenir de la publicité en consultant ce dossier qui ouvre un
large débat sur l’évolution des annonceurs, des médias et des agences et qui vous
interrogera sur les perspectives ouvertes par les nouvelles techniques de communication en
ligne…

Sommaire
1- LA PUBLICITÉ NE REPRÉSENTE PLUS QU’UN PEU PLUS DU TIERS
DES DÉPENSES DE COMMUNICATION DES ANNONCEURS, EN
FRANCE
2- L’IMAGE DE LA PUBLICITE EST SOUVENT NÉGATIVE MAIS ELLE NE SE
DEGRADE PAS.
3- LA BAISSE DU RETOUR SUR INVESTISSEMENT PUBLICITAIRE
4- LA LENTE MAIS CONSTANTE PERTE D’INFLUENCE DES
PUBLICITAIRES
5- PERSPECTIVES ET CONCLUSIONS

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1 - LA PUBLICITÉ NE REPRÉSENTE PLUS QU’UN PEU
PLUS DU TIERS DES DÉPENSES DE COMMUNICATION
DES ANNONCEURS EN FRANCE
-

RAPPEL DE LA DÉFINITION DE LA PUBLICITÉ

Le lecteur pourra être surpris que l’on commence par rappeler la définition d’une notion
aussi banale que la publicité. Ce n’est pourtant pas inutile car on confond souvent
publicité et communication. Les journaux, même spécialisés, les organismes d’études, même
officiels, parlent volontiers de marché publicitaire ou de dépenses de publicité pour désigner
un univers plus large, celui de toutes les dépenses de communication qui
1
comprennent les dépenses de publicité stricto sensu dans les grands médias
et les
autres dépenses de communication dénommées hors-médias ou below the line2 .

3
Par publicité, on désigne tout message à but promotionnel :
- inséré à titre onéreux dans l’un des six grands médias qui lui délivrent en
contrepartie leur audience
- dont la présentation se démarque clairement du contenu rédactionnel du
média.

Ces six grands médias sont par ordre décroissant des dépenses publicitaires en France :
la télévision, la presse, Internet, l’affichage, la radio et le cinéma (voir Mercator 10e éd.,
p. 468). Les dépenses de communication sur Internet se partagent entre la e - publicité
(bannières ou display et liens promotionnels ou search) et le hors-médias (e-mailing,
création et développement des sites internet, évènementiel en ligne, etc.).4

1

Selon l’usage, nous écrivons un média, des médias et écrivons media dans des
expressions anglaises comme mass media.
2
e
Sur l’origine de l’expression « Below the line » voir Mercator, 10 éd., page 514 et le
e
Dictionnaire indexé de Mercator 10 éd.
3
e
Définition extraite de Mercator 10 édition.
4
Malgré son nom, la publicité sur lieux de vente (PLV) relève du hors-médias et non de la
publicité-médias.

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Dépenses de communication 2009 des annonceurs
France
Source :
www.francepub.fr

N. B. Voir un tableau détaillé des dépenses de communication sur le site de l’Union des
Annonceurs : www.uda.fr
N. B : sur les données actualisées des dépenses des annonceurs, voir Mercator 10e éd., 2013,
pp. 468 sq.

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POURQUOI LA PART DE LA PUBLICITÉ
DANS LES DÉPENSES DE
COMMUNICATION A T-ELLE REGULIÈREMENT DIMINUÉ AU PROFIT DU
HORS-MEDIAS ?

o La publicité est un moyen de communication de masse dont le champ s’est
restreint avec l’évolution des marchés et du marketing.
Le marketing est né et s’est développé aux Etats-Unis dans la première moitié du XXe
siècle et à partir des années 50 en Europe de l’ouest avec l’émergence des marchés de
grande consommation. Ce marketing de masse, peu différencié et s’adressant à de
vastes publics ayant des besoins communs avait besoin d’une distribution de masse
(ce fut l’apparition de la distribution moderne avec les supermarchés puis les hypers)
et d’une communication de masse véhiculée par les mass media (la presse, l’affichage,
le cinéma qui fut en son temps un média populaire et la télévision).
Les grands médias ont passé avec les annonceurs un contrat gagnant-gagnant : Ils
vendent leurs audiences et les recettes publicitaires deviennent un fondement majeur
de leurs business models. Les annonceurs touchent rapidement de vastes publics pour
promouvoir leurs marques et produits. Ils contrôlent parfaitement la forme et le fond de
leurs messages, les médias s’interdisant de les censurer ou de les modifier. 5
Enfin la
publicité a un autre avantage pour les grands annonceurs qui
s’adressent à d’importantes populations : si le ticket d’entrée dans les médias de masse
peut être très élevé (notamment en télévision), en revanche, le coût au

5 Un support peut refuser de publier un message publicitaire mais lorsqu’il l’accepte, il le
diffuse tel que l’annonceur (son agence) l’a conçu.

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contact est faible, voire très faible avec les médias les plus puissants comme la
télévision.
La publicité a donc atteint ses sommets lorsque le contexte réunissait
développement rapide des marchés de grande consommation, faible fragmentation des
marchés
comme dans les marchés de premier équipement (automobile,
électroménager…), développement du libre service. En effet, la disparition des
vendeurs oblige les marques et les produits à se défendre seuls devant le client. Le renfort
de la publicité (ce vendeur muet, a-t-on dit) a été le bienvenu pour développer leur notoriété
et bâtir leurs images.
Mais les marchés et, en conséquence, les stratégies de marketing et de
communication ont beaucoup évolué depuis.
ƒ Dans les marchés de grande consommation, la concurrence s’est
développée très rapidement. Pour séduire
des clients qui avaient à
choisir dans une offre sans cesse élargie, il a fallu s'adapter à des
besoins sans cesse plus spécifiques. Les années 70 furent celles où l’on
inventa les concepts de positionnement et de segmentation. Mieux vaut être
fort sur un segment de marché que faible sur l’ensemble du marché. Les
grandes entreprises qui voulaient continuer à couvrir tout le marché
multiplièrent les marques, chacune étant spécialisée ou, du moins,
positionnée sur une cible et une promesse. Mais nourrir de nombreuses
marques à coup de budgets publicitaires devint rapidement épuisant. Seules
les plus puissantes entreprises pouvaient y arriver. Ainsi Procter et Gamble
continue à soutenir publicitairement plus de 60 marques dans le monde. Les
autres devaient faire des choix et après avoir multiplié les marques, elles
firent une sévère sélection. De nombreuses marques
disparurent,
d’autres
durent
survivre sans publicité.
Les
agences de publicité souffrirent de cette rationalisation des portefeuilles de
marques.
ƒ

Les marchés de services. Dans les pays développés, l'économie est
dominée par les services. La publicité n’y est pas absente, loin de là, car les
marques sont tout autant importantes pour les services. Mais la publicité
en soutien des marques est insuffisante pour la communication des services
et le hors-médias y est déterminant : interaction entre clients et personnel
en contact, marketing direct, marketing relationnel pour fidéliser… Le
développement des services dans l'économie entraîne celui des dépenses
hors-médias.

ƒ

Les marchés B to B : Ils n’ont jamais été et ne seront jamais de gros
consommateurs de publicité en dehors de quelques campagnes
sporadiques de publicité corporate. Ce sont
souvent des marchés de
grands comptes à l’opposé des marchés de grande consommation. Les clients
sont clairement identifiés (et non anonymes comme dans les marchés de
masse), on fait pour eux du sur mesure, ce qui se prête mal au discours
publicitaire, réducteur et « universel ». La communication est fondée sur des
relations personnelles et n'est pas impersonnelle ; on fait du "one to one".
Les relations publiques favorisent
les
contacts
personnels.

Au cours des dernières décennies, la communication B to B a progressé ce
qui a contribué à gonfler l’ensemble des dépenses hors-médias plus vite que
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les dépenses publicitaires.
o La publicité est surtout faite par de gros annonceurs mais leurs
politiques de communication sont de plus en plus multicanales.
En France, comme dans toutes les économies développées (Europe de l’Ouest, USA,
Japon…), le constat est le même. Depuis 30 ans, ce sont peu ou prou les mêmes
secteurs qui investissent le plus en publicité : automobile, food, grande distribution,
hygiène et beauté…
On a vu se développer les budgets de publicité des services financiers et plus
récemment ceux des télécommunications avec l’explosion du marché des mobiles parce
que
les dépenses de publicité sont tirées par les marchés de masse en
6
expansion et fortement concurrentiels . Une observation un peu inquiétante
lorsqu’on sait que la quasi totalité des grands marchés sont matures. Quels sont les
nouveaux marchés de masse à inventer ?
Dans toutes les économies, développées ou non, la dépense publicitaire est très
concentrée sur un tout petit nombre de gros annonceurs. Un phénomène observé
depuis toujours et qui peut changer avec Internet, plus accessible aux petits budgets.
NB : sur le palmarès des 5 premiers annonceurs en France en 2011, voir Mercator 10e éd.,
p. 469.
1982 – Les 10 premiers annonceurs
Dépenses
de publicité
médias
(millions de francs)
1- Renault
238
2- Procter & Gamble
186
3- Sopad Nestlé
180
4- Colgate
156
5- Ford
130
6- Darty
114
7- Conforama
112
8- Hachette
109
9- Philips
104
10- Peugeot
97
Source : Publicitor, 1ère édition,
1983

2009 – Les 10 premiers annonceurs
Dépenses
de publicité
médias
(millions d’euros)
1- Renault
426
2- Orange
383
3- SFR
291
4- Peugeot
279
5- Carrefour
266
6- Unilever
262
7- Bouygues Tel
235
8- Citroën
226
9- Procter & Gamble
218
10- Leclerc
211
Source : www.uda.fr

En 2009 : Secodip a recensé 19000
En 1982 : Secodip a recensé 9600 annonceurs. Les 20 premiers font
annonceurs ayant investi en publicité. 20%
des dépenses
totales
de
Les
10
premiersannonceurs
publicité. Les 350 premiers font 80%.
repréentent
15%
des
dépenses
totales de publicité en France. Les
1000 premiers font 90%.

6

Le lecteur observera sans doute que le facteur concurrence joue plus pour les
télécommunications que pour les services financiers qui se battent de façon plus feutrée. La
publicité est souvent un substitut [ersatz] à la concurrence sur les prix dans les secteurs où
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les acteurs s’entendent pour ne pas trop se battre sur les prix.
Alors que la publicité était avec la promotion des ventes le moyen de communication
dominant des grands annonceurs, elle tend à devenir un outil parmi d'autres dans une
stratégie multicanale 7 .
Les entreprises ont diversifié leurs outils de
communication :
-

Publicité pour entretenir la notoriété et affirmer le positionnement des marques ou
pour lancer les nouveaux produits.
- Promotion pour stimuler les ventes
- Marketing direct pour vendre, faire du relationnel
- Sponsoring et évènementiel pour l’image de la marque produit ou de la
marque corporate
- Programme relationnel et CRM pour fidéliser les clients
- Communication interactive et community management pour impliquer les clients
- Relations publiques pour toucher les leaders d’opinion
- Etc.
Tous ces moyens de déclinant en off line et on line.
Ils sont souvent mis en œuvre, ensemble, dans les politiques de communication. Leur
bonne coordination doit produire des effets de synergie… en principe. La CMI
(Communication multicanale intégrée) est en effet difficile à concevoir et à mettre en œuvre.
C’est aujourd’hui l’un des challenges majeurs des gros annonceurs. Autrefois, il
fallait avoir une solide expertise publicitaire pour être un bon annonceur. Aujourd’hui,
il
faut
être un excellent
généraliste de
toutes les formes de
communication, pour les marier efficacement ou, tout au moins, pour bien faire
travailler ensemble des agences spécialisées.

7 Voir une proposition de méthode d’intégration de la communication multicanale dans
Mercator, 10e éd. p.454 sq. et, pour plus de détails, dans la dernière édition de Publicitor,
7e éd, chapitre 18, pages 549 et suivantes.
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2 - L’IMAGE DE LA PUBLICITE EST SOUVENT NÉGATIVE
MAIS ELLE NE SE DEGRADE PAS
Nous reproduisons ci-dessous un article de L’Express qui date de quelques années mais
intéressant à commenter.

Les Français publiphobes ?
par Sébastien Lebourcq, publié le 28/02/2002 - mis à jour le 17/12/2003
Pas si simple. Ils aiment moins la pub, mais ils la regardent toujours.
Source : http://www.lexpress.fr/actualite/media-people/media/les-francaispubliphobes_492399.html
La publicité souffre d'un problème d'image. C'est l'une des conclusions de
l'édition 2001 du baromètre Ipsos pour le Syndicat national de la publicité
télévisée (SNPTV). 39% des Européens y sont qualifiés de «publiphobes», soit
une progression de 6 points par rapport à 1999. En France, ce chiffre atteint
41%. Effet de mode ou mouvement de fond? «C'est une étude d'opinion,
pas
de
comportement, prévient
d'emblée
Hervé Barbot,
directeur général adjoint d'Ipsos Médias. Il est de bon ton aujourd'hui de se
déclarer publiphobe.» Une analyse partagée par Stéphane Martin, directeur
délégué duSNPTV:
«Aucune étude d'impact n'indique
de
changement dans les pratiques des consommateurs, avance- t-il. Par
exemple, nous ne constatons
pas de
« fuites »
lors des pauses
publicitaires à la télé. Une minorité se dit critique, mais elle ne zappe pas. C'est
aussi une question d'âge. La génération des années 1960 se déclare hostile à la
publicité par principe. Mais les jeunes sont plus ouverts.» La publiphobie
progresse pourtant en France de 10 points par rapport à
1999. «Ces chiffres sont constamment minimisés, accuse Thomas Guéret,
président du mouvement Résistance à l'agression publicitaire (RAP). 41% en
France, cela prête à sourire. Le nombre de gens exaspérés par cette forme de
pollution est beaucoup plus important. Mais il y a une chape de plomb
idéologique.» Faut-il voir dans cette progression le fruit des campagnes
des antipub? Stéphane Martin n'y croit pas. «Leur impact sur le grand public
me paraît faible. Leurs critiques sont souvent radicales, anticonsuméristes et,
donc, peu constructives. Je ne crois d'ailleurs pas qu'ils puissent exercer la
moindre pression sur les publicitaires.» De fait, seul
un
mouvement
issu du
public a des chances d'influencer la
profession.
«Comme lors de la polémique sur le « porno chic », ajoute-t-il. Le
mécontentement
avait
été
relayé
par
les
associations
de
consommateurs. Mais ce n'était qu'un phénomène ponctuel.» Jusqu'ici, tout va
bien...

9

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Quelques commentaires :
ƒ

Il est nécessaire de distinguer l’image de la Publicité en tant que système et la
perception des publicités.
o La publicité en tant que système de persuasion est critiquée par un grand nombre
de personnes quelles que soient leurs origines sociales, leur âge, leur éducation
ou leur niveau de revenus. L’ « institution » publicitaire renvoie à la critique des
excès de la société de consommation, à la tentation, à la manipulation perfide
des petits par les puissances d’argent. Au mieux, le système Publicité est vécu
comme un mal nécessaire dans une économie de marché.
o Ces critiques sont en partie fondées. La Publicité est d’essence
démagogique et les consommateurs le savent bien mais, en contrepartie, elle a
le mérite d’afficher clairement sa nature et son objectif. Distincte du
8
rédactionnel, elle dit « je suis Publicité et je veux vous séduire ». C’est un atout
majeur au moment où se développent les techniques dites de l’ « undercover
marketing » que nous traduisons par marketing masqué et qui consiste à
promouvoir marques et produits à visage couvert ou, pire, en prenant une autre
identité, en imaginant de faux experts indépendants ou en se faisant passer pour
de vrais consommateurs (faux blogs, faux avis de consommateurs, pénétration
des réseaux sociaux, etc.).
o Que le système Publicité soit contestable et contesté n’empêche pas les
messages publicitaires de fonctionner. Dans l’article cité plus haut, on dit, à juste
titre, que s’il y avait un lien étroit entre perception du système et perception
des messages publicitaires, on s’en apercevrait par un zapping accru et une
diminution sensible de l’efficacité des campagnes. Ce qui explique que
publicitaires et annonceurs soient en fin de compte assez insensibles à la
critique du système Publicité.
o Il nous paraît exact d’affirmer que les campagnes des « antipub » sont
inefficaces, trop exagérées, trop idéologiques. Ils s’attaquent à la publicité pour
dénoncer un système qui va bien au delà du système publicitaire. Pourquoi
pas ? Mais ce qui marchait en 1968 est moins efficace aujourd’hui. Et puis, le
message latent de ces campagnes antipub est « Vous êtes des idiots en vous
laissant berner par la pub » et les gens n'aiment pas se faire traiter d'idiots alors
même que tout consommateur averti a une perception distanciée de la publicité.
Les antipub devraient peut être revoir leur stratégie…de communication !

8 A vrai dire, cette distinction très claire aux débuts de la publicité a tendance à être de plus
en plus prise en défaut : publireportages ou publicité déguisée en rédactionnel, cadeaux à
certains journalistes, liens entre annonceurs et médias, entre directions de rédaction et
régies publicitaires.

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Il nous paraît difficile d’affirmer que les Français sont de plus en plus
publiphobes et qu’ils sont plus publiphobes que les voisins européens.
o Quand on cite une étude donnant 41% de Français publiphobes contre 39% en Europe,
peut-on tirer une conclusion générale sur une différence de 2 points alors que la
marge d’erreur est certainement plus grande ? Ceci dit, d’autres études montrent
également que les Français sont un peu moins positifs sur la publicité que les autres
Européens mais l’écart est trop faible pour en tirer des conclusions magistrales. 9
o

41% de publiphobes en France, est ce beaucoup 10 ? Est-ce un pourcentage qui
s’accroît au cours du temps ?
Les 7 éditions de Publicitor,
depuis 1983, nous ont amené à suivre
l’évolution de l’opinion sur la Publicité, ce qui n’est pas simple parce qu’il n’y a pas
d’études suivies 11 sur ce quart de siècle. Si on observe quelques mouvements de
l’opinion, ils vont parfois dans un sens, parfois dans l’autre. Donc pas d’évolution
marquée et pérenne. Ce qui est frappant, c’est en fin de compte la très grande stabilité
de l’opinion publique avec un peu moins de publiphobes aujourd’hui, un peu plus de
gens qui tolèrent la publicité et un nombre toujours significatif d’indifférents à la
question ! Un constat global qui n’est pas en défaveur de l’évolution de l’image de la
publicité en France.
La plus ancienne étude que nous avons retrouvée a été faite pour la
Commission
européenne,
en
1976 :
« Le
consommateur :
ses
préoccupations, ses aspirations ». Le tableau suivant résume la perception de la
publicité par les français à cette époque.

9

Voir une étude mondiale récente UDA/FMA/Nielsen publiée par l’Union des Annonceurs :
http://www.uda.fr/sinformer-actualites/dossiers/international/etude-mondiale-udafmanielsen- surle-role-de-la-publicite/
10 L’étude récente UDA/FMA/Nielsen donne 38% de Français négatifs. « Négatif » est sans
doute un terme plus approprié que « publiphobe » car on peut contester certains aspects de la
publicité sans la honnir totalement pour autant.
11 C’est-à-dire avec des échantillons identiques ou semblables et avec les mêmes questions.
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LES FRANCAIS ET LA PUBLICITE, il y a 34 ans

INDIFFERENTS
17%

TOLERANTS
31%

INTOLERANTS
(Publiphobes)
52%

Consuméristes
agressifs
18%

Favorables
à la pub
8%

12

Consuméristes
velléitaires
10%

Contestaires
34%

Individualistes
éclairés
18%

A noter :
1° Cette étude a été faite à un moment où le mouvement consumériste était à son
apogée en France, ce qui peut expliquer un surcroît temporaire de publiphobes.
2° On comparera avec précaution le chiffre de 52% de publiphobes en 1976 avec le
chiffre de 41% début des années 2000 car l’échantillon et les questions ne sont
pas identiques.
3° Dans cette étude, on notait, comme aujourd’hui, que les Français étaient un peu plus
publiphobes que les autres Européens mais l’écart était également faible et donc peu
significatif. La pression publicitaire n’est pas plus élevée qu’ailleurs et largement
inférieure à ce qu’elle est aux Etats-Unis.

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Les jeunes moins ou plus publiphobes que la moyenne ?

Dans l’article cité plus haut, il est dit que les jeunes sont moins publiphobes que leurs
aînés. Des sondages plus récents montrent que cette tendance s’est inversée. La
raison (plausible) généralement avancée tient à Internet. Gros consommateurs
d’Internet, les jeunes critiquent la publicité en ligne, très peu créative, envahissante et
perturbant la navigation à tel point que les annonceurs subissent de fortes
13
pressions pour renoncer aux formats les plus intrusifs comme les pop up.

12 Source : Publicitor, 1ère édition, 1983. Extrait d’une communication à l’IREP en
1976 d’Hélène Riffault : « Les consommateurs et la publicité ; les français sont-ils
différents des autres européens ? »
13 Pour compléter cette analyse de la publicité dans l’opinion publique, on consultera :
- http://www.e-marketing.fr/Breves/La-publiphobie-gagne-des-points-22535.htm

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Quelques aphorismes
ƒ

14

:

Sur le rôle de la Publicité :

« La publicité c’est du vent, mais c’est ce vent qui fait tourner les moulins »
Marcel Bleustein-Blanchet, fondateur de Publicis
« Dieu lui même croit à la publicité. Il a mis des cloches dans les églises »
Aurélien Scholl
« La publicité est un facteur économique précieux puisque c’est la façon la moins chère de
vendre des produits surtout lorsqu’ils ne valent rien »
Sinclair Lewis
ƒ

Sur les promesses publicitaires et le risque de manipulation :

« La publicité, c’est la science de stopper l’intelligence humaine assez longtemps pour lui
soutirer de l’argent »
Stephen Leacock
« La publicité, c’est l’art de faire des mensonges entiers avec des demi-vérités »
Edgar A. Schoaff
« La publicité est à la consommation ce que l’érotisme est à l’amour. Le plaisir ne suit
pas toujours. »
Philippe Bouvard
« La meilleure des publicités est un bon produit »
Alan Meyer

- http://www.strategies.fr/actualites/agences/r34866W/les-leaders-d-opinion-publiphiles.html
14 Ces citations sont extraites du site www.evene.fr sauf la première.

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3 - LA BAISSE DU RETOUR SUR INVESTISSEMENT15
PUBLICITAIRE
Fragmentation de la télévision (une seule chaîne en 1968, date de l’apparition de la
publicité à la télévision), plusieurs centaines de chaînes aujourd’hui en France, 2700 en
Europe 16 ), fragmentation de la presse (presse magazine surtout avec 1300 titres en
France 17 ), fragmentation de la radio depuis la fin du monopole d’Etat en 1981, (plus de
mille opérateurs en France aujourd’hui), fragmentation considérable d’Internet avec
des millions de sites.
L’Euro investi dans l’achat d’espace a un rendement qui décroît pour quatre raisons
principales : éclatement des audiences, saturation du public, individualisation de la
consommation des médias et augmentation des tarifs de l’espace publicitaire.
Les trois premiers facteurs sont structurels et leur effet va se prolonger demain. Le
troisième s’est arrêté avec la crise actuelle. La reprise de l’augmentation des tarifs, si elle se
fait, devrait prendre quelque temps.
-

DES FACTEURS STRUCTURELS QUI EXPLIQUENT LA BAISSE DU
RETOUR SUR INVESTISSSEMENT PUBLICITAIRE
o La fragmentation des médias

Les annonceurs qui veulent couvrir de larges cibles font évidemment appel aux
supports les plus puissants mais la fragmentation est telle que pour avoir la même
couverture, il faut être dans une dizaine, ou plus, de supports là où autrefois 2 ou 3
suffisaient. A couverture identique, le budget d’achat d’espace augmente. Le retour sur
investissement diminue.
o La saturation en publicité des meilleurs espaces : augmentation
continuelle des tarifs et saturation des consommateurs
Les plans médias conçus pour les annonceurs d’un même secteur conduisent
souvent à des recommandations identiques. Une forte demande pour les meilleurs écrans
des grandes chaînes de TV, pour les meilleurs titres de la presse féminine, etc. conduit
les supports à augmenter leurs tarifs (jusqu’à la crise de 2008, qui les a obligés à revoir
leurs tarifs sensiblement à la baisse) et à accroître leur espace vendu à la publicité
(dans les limites autorisées par la loi mais elles sont larges, surtout pour la presse). D’où
d’interminables tunnels publicitaires en prime time et le foisonnement des pages de
publicité dans les magazines à succès où on peine à trouver le contenu rédactionnel qui
n’est pas commandé ou orienté par la publicité.
En conséquence, cela se traduit par une saturation croissante des consommateurs, là où
on les cible prioritairement. Saturation signifie moins bonne conversion des contacts
potentiels en contacts réels avec la publicité. Le rendement de l’Euro investi diminue.

15 Au plan comptable et fiscal, la publicité n’est pas un investissement (même si elle
peut avoir des effets à long terme) mais une dépense d’exploitation.
16
Source : Observatoire Européen de
l’Audiovisuel.
17 Source : Publicitor, 7ème édition, page
300.
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o « Prime time is my time » : La consommation des médias dits de
masse est de plus en plus individualisée.
La consommation des médias qui était souvent collective (la grand messe du JT par
exemple) est de plus en plus individuelle, sur des supports et à des moments
différents. Les publics cibles se dispersent dans l’espace et le temps. Pour atteindre les
mêmes objectifs de couverture et de répétition, l’annonceur doit investir plus d’argent.

-

L’ETUDE DE DEUTSCHE BANK S'INTERROGE
DE LA DÉPENSE PUBLICITAIRE

-

-

SUR LA RENTABILITÉ

Etude faite en 2004, aux Etats- Unis
sur l’efficacité de la publicité à la
télévision
23 marques de gros annonceurs
étudiées sur 3 ans.

Titre de l’étude: « Pourquoi la publicité à la télévision ne fonctionne pas pour les
marques matures ? »
Principaux résultats :
- La publicité génère des ventes supplémentaires à court terme dans 94% des cas.
Excellent résultat mais le R.O.I. (retour sur investissement) n’est positif à court
terme que dans 18% des cas.
- Toutefois, le R.O.I. est positif à 45% à long terme, un meilleur résultat mais
encore largement insuffisant. Ceci suppose que la dépense de publicité ne soit
pas ponctuelle mais entretenue sur la longue période.
- Les ratios Part de voix et
Dépenses de publicité/Ventes très largement
utilisés par les annonceurs et les agences de publicité ne sont pas pertinents au
sens où l’étude n’a pas montré qu’il y avait une corrélation entre la valeur de ces
ratios et l’efficacité publicitaire.
- 35 à 50% des ventes en volume incrémentales proviennent de la promotion contre
8% de la publicité à la télévision.

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Ces résultats sont rejoints par les déclarations de dirigeants comme Neville Isdell,
Président et CEO de Coca Cola (qui sait de quoi il parle avec plus de 2 milliards $ de budget
publicitaire/an) 18 :
"In the last 50 years, the 30-second television spot has defined our brands and, while it is still
important, I think its impact has diminished, Marketing is clearly evolving and the emergence
of new media and the many competitive opportunities for consumer stimuli mean that we
need to find new, innovative ways of addressing our consumers and ensuring the relevance
19
of our brands."
Ce à quoi, il ajoutait que, dans l’immédiat,
Coca Cola n’investirait pas moins en
télévision mais dépenserait plus sur des alternatives aux spots télévisés : on ne casse
pas brutalement un modèle parfaitement rodé depuis des décennies; on le fait évoluer.

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4 - LA LENTE MAIS CONSTANTE PERTE D’INFLUENCE
DES PUBLICITAIRES
C’est, à notre sens, l’évolution majeure du monde de la publicité.
Les agences de publicité ont joué un rôle considérable dans la diffusion des
méthodes et des techniques du marketing moderne.
Elles ont transformé, voire complètement renouvelé, la communication des produits et des
marques de leurs clients annonceurs. Elles ont contribué à l’évolution de la
communication corporate mais, depuis longtemps, elles n’ont cessé de perdre de
l’influence auprès des annonceurs, de devenir moins attractives pour recruter les jeunes
talents qui leur sont indispensables. Enfin, aujourd’hui, elles se retrouvent fragilisées sur
le plan économique.
-

QUAND LES AGENCES DE
TENAIENT LE HAUT DU PAVÉ

PUBLICITÉ

ET

LES

PUBLICITAIRES

Cela appartient à une histoire déjà ancienne.
Les agences de publicité modernes que l’on appelait alors à service complet (conseil en
stratégie de communication, création et production des messages, médiaplanning et achat
d’espace) se sont d’abord développées aux Etats-Unis au XXème siècle, entre les deux
guerres, plus tard en Europe de l’Ouest et en France dans les années
60.

18

Source : Atlanta Business
Chronicle
19
Traduction : « Au cours des dernières années, le spot de 30 secondes à la télévision a
construit nos marques et, bien qu’il reste important, je pense que son impact a diminué. A
l’évidence, le marketing évolue ; le développement de nouveaux médias et de nombreuses
autres façons de stimuler le consommateur nous obligent à trouver des façons nouvelles et
innovantes de nous adresser au marché et de faire vivre nos marques. »
16
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En quelques années, la profession publicitaire s’est radicalement transformée. Entre
1965 et 1975, il y eut pléthore de nouvelles agences créées ex nihilo ou filiales de
grandes agences américaines qui s’implantaient sur le marché français. On vit
l’éclosion d’une nouvelle génération de publicitaires, très jeunes, souvent plus
managers que créatifs mais avec des dons d’animation des équipes de création. Ils avaient
souvent débuté leur carrière dans les services marketing de gros
annonceurs. A l’époque, la filière prestigieuse était HEC-Procter&Gamble-Agence ou autre
grand annonceur.
A un moment où le marketing moderne était à ses balbutiements dans la quasi totalité
des entreprises, ces jeunes agences l’ont « enseigné » à leurs clients annonceurs.
La vente des campagnes se faisaient dans le cadre de stratégies marketing pensées
entre publicitaires et annonceurs. Ces jeunes patrons d’agence étaient incontestablement
des entrepreneurs de talent qui savaient nouer des liens très forts avec les patrons qui leur
confiaient leurs budgets de publicité.
Ces nouvelles agences furent très profitables. Elles se rémunéraient en prenant une
commission (officiellement de 15%) sur l’achat d’espace et en faisant payer les frais
techniques pour la production et la diffusion des messages.
Le secteur publicitaire devint rapidement très attractif. Les grandes Ecoles de
commerce développèrent l’enseignement de la publicité (avec le soutien actif des
professionnels) pour former les jeunes dont avaient besoin des agences de publicité qui se
développaient rapidement.
-

LA MENACE DES CENTRALES D’ACHAT

Dans les années 70, donc très tôt, Gilbert Gross inventa un nouvel intermédiaire : la
centrale d’achat, qui fonctionnait comme grossiste en espace publicitaire. En
regroupant l’achat d’espace de plusieurs annonceurs, il pouvait négocier des tarifs
intéressants auprès des supports et faire bénéficier les annonceurs de ristournes
importantes tout en gagnant, pour beaucoup d’argent.
Il court-circuitait donc les agences dont le business model était fondé, comme on l’a vu, sur
une commission sur l’achat d’espace.
Les agences de publicité ne prirent pas tout de suite la mesure de la menace des
centrales dont le développement explosa à la fin des années 70 et au début des années
80.
-

LE DÉVELOPPEMENT DU HORS-MÉDIAS ET LA CRÉATION DE GRANDS
GROUPES MONDIAUX DE COMMUNICATION

On vit à cette époque se développer des agences spécialisées, principalement en
promotion des ventes et en marketing direct. Ces activités n’intéressaient pas les
publicitaires parce qu’elles ne sont pas dans leur cœur de métier et parce qu’elles sont
considérées comme peu nobles : des marchés pour "besogneux" peu créatifs. La
profession se spécialisait en pôles complémentaires de compétences mais éclatait en
univers ayant du mal à se comprendre.
Les frères Saatchi (Grande Bretagne) tirèrent profit, les premiers, du potentiel du horsmédias et de l’internationalisation croissante des marchés publicitaires. Avec le soutien des
banques, ils achetèrent des agences de publicité dans le monde pour suivre les grands
annonceurs, de plus en plus mondiaux. Ils achetèrent également des
agences
spécialisées : marketing direct, promotion, RP, évènementiel pour attaquer ces marchés
en expansion et proposer une offre complète de services de

17

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communication à leurs clients. La création du Groupe Saatchi & Saatchi fut
rapidement suivie par celle de WPP, fondé par un ancien directeur de Saatchi et par
d’autres initiatives. Aujourd’hui, le marché mondial de la communication est
largement dominé par ces grands groupes de communication. En France, deux
groupes ont su prendre le train en marche. Ce sont Publicis et Havas qui figurent dans les
7 premiers groupes mondiaux de communication. Depuis longtemps, les agences
indépendantes
de publicité se sont vendues à des groupes de
communication.
Après avoir perdu le marché de l’espace, les agences de publicité ont perdu leur
autonomie.
-

LES CONSÉQUENCES DE LA LOI SAPIN

En 1993, le Premier ministre Pierre Bérégovoy fit adopter un ensemble de lois contre la
corruption, parmi lesquelles figure la loi Sapin : une réforme majeure de l’achat d’espace
qui est une des clefs, sinon la principale, du business de la communication médias.
L’achat d’espace avait donné lieu à des abus avec le développement de super
commissions souvent occultes et servant, entre autres, au financement des partis
politiques. La loi Sapin interdit aux agences et centrales d’achat d’acheter de
l’espace pour le revendre aux annonceurs. Désormais, agences et centrales ne peuvent
qu’être les mandataires de l’annonceur, ce qui doit garantir la transparence des
transactions. Les centrales d’achat furent évidemment plus touchées que les agences de
publicité qui avaient déjà perdu une bonne part du marché de l’espace publicitaire. En
conséquence, les centrales durent trouver de nouvelles sources d’activités et
de
revenus. Elles se transformèrent
en agences-médias en
développant le conseil médias: choix des médias et des supports, élaboration des
plannings d’insertions, etc.
Les agences de publicité qui, pour certaines, gardaient cette activité de conseil médias
la perdirent.
C’est donc toute l’activité médias qui a disparu du périmètre des agences de
publicité pour rejoindre celui des grands groupes de communication qui ont
aujourd’hui de grandes régies comme ZénithOptimedia de Publicis.
Mais il est gênant pour les agences de publicité, spécialistes de la communication
médias, de ne plus avoir, en interne, de solides compétences en médias. Cette lacune
pèsera lourd au moment de l’arrivée d’Internet.
Dans les années 90 et jusqu’à ce jour, les agences de publicité ont développé, souvent
avec bonheur, le conseil en stratégie de marques. Un choix judicieux vu l’importance
grandissante des marques, leurs enjeux stratégiques et financiers. Un choix bienvenu vu
l’antériorité des agences de publicité dans les techniques de développement de
marques. Mais une marque ne se conçoit pas et ne s’anime pas uniquement avec des
budgets de publicité médias. Or, les publicitaires ont naturellement tendance à
toujours donner un rôle central à la publicité-médias et à ne voir dans les autres moyens
de communication (on line et off line) que des compléments non stratégiques.

18

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INTERNET ET LA PUBLICITÉ
o Les annonceurs dépensent de plus en plus sur Internet
Internet est aujourd’hui un média de masse 20 dont l’audience ne laisse plus les
annonceurs indifférents. Plus de 70% des Français fréquentent le Web ; ils seront
80% dans deux ans et les seniors comblent progressivement leur retard.
Internet s’est imposé rapidement comme un grand média publicitaire, au troisième ou
au quatrième rang selon les pays et, bientôt, à la deuxième place, derrière la télévision,
si l’on en croit les prévisions pour 2015. Il est passé à la troisième place derrière la
télévision et la presse1. C’est le seul média qui a connu un accroissement de
ses recettes publicitaires au plus fort de la crise, grâce aux liens promotionnels
(search) qui ont progressé très rapidement au cours des dernières années, et ce, au
détriment des bannières (display).
Dépenses e-pub en France, 2009
Etude France Pub

Type de e-pub 21
Display
Search

Montant en millions €
453
572

Evolution 09/08
- 6,4%
+ 9%

N. B. Sur les dépenses display, search et e-mail commercial en France en 2011, voir Mercator 10e éd.,
p. 494 sq.
o Internet est le média qui a le plus fort potentiel publicitaire.
-

-

Développement de l’audience d’Internet, en nombre d’internautes et en temps de
connexion.
Belles perspectives à terme de la e-pub mobile qui n’en est, aujourd’hui, qu’à ses
balbutiements. Au premier semestre 2010, elle n’a représenté que 13 millions €
de recettes publicitaires mais elle était en progression de 30% sur le premier
semestre 2009.
Amélioration continuelle des techniques du search
Démocratisation du marché publicitaire : On a vu plus haut que le marché de la
publicité dans les grands médias traditionnels était surtout celui des gros, voire
des très gros annonceurs. Internet
favorise l’accès des petites
entreprises à la publicité car on peut y être présent avec des budgets limités.

Jusqu’à ce jour, les annonceurs ont consacré des budgets limités à Internet, sans vraiment
entamer leur budget de média classiques : le développement de la e-pub ne s’est donc
pas fait au détriment de la publicité dans les grands médias traditionnels mais on
assistera demain à des transferts significatifs des budgets « off line » vers le « on line ».
20

Internet est un média publicitaire mais c’est bien plus que cela : média d’information, de
divertissement, nouvelle forme des médias traditionnels, prestataire de services, mode de vente,
réseaux sociaux.
21
Nous considérons que la publicité en ligne comprend le display et le search. Certains estiment
que seul le display peut être assimilé à de la publicité. Selon nous, si le search estune forme très
innovante de publicité, il n'en répond pas moins à la définition de la publicité telle que nous l’avons
donnée au début de ce dossier.
1

e

Voir Mercator 10 éd., p. 468 et 494.

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o Pourquoi les agences de publicité ne se sont-elles pas intéressées
au développement de la publicité en ligne ?
-

-

Des budgets peu attractifs. La première forme de publicité en ligne a été la
bannière avec de tout petits budgets pour l’achat d’espace et la création. La
créativité était de plus limitée par les fortes contraintes technologiques de
l’époque. Tout ceci s’est traduit par une forme très pauvre de création, vite
tournée en dérision par bon nombre de publicitaires. Depuis, les contraintes
technologiques se sont assouplies mais les budgets sont restés très limités,
comparés à ceux auxquels les agences sont habituées en télévision, presse
ou affichage.
Le search est un monde étranger aux publicitaires. La créativité y est absente
par nature et ses techniques sont sans rapport avec la pratique de la publicité
des grands médias classiques.
o Pourtant, Internet ouvre un champ nouveau à la créativité.

Les agences de publicité sont des spécialistes des formats courts, voire ultra-courts.
Leurs talents créatifs auraient donc pu s’exprimer dans le design des sites, dans les
campagnes de marketing viral et de buzz, dans les réseaux sociaux, etc. Autant
d’opérations le plus souvent à petits budgets et dont les techniques deviennent de
plus en plus spécifiques.
Les agences de publicité n’ont pas développé ces savoir-faire qui se trouvent
aujourd’hui dans des structures spécialisées avec lesquelles elles ont souvent du
mal à travailler.

-

LA CRISE DE 2008, 2009, 2010… ?
o Claque historique pour la publicité

C’est le titre d’un article de L’Expansion paru en mars 2010 22 . En 2009, les dépenses
média, c’est-à-dire la publicité, ont diminué de 12,5% après une baisse déjà très
sensible en 2008.
La publicité moderne a connu plusieurs crises économiques, dans les années
70 avec les deux chocs pétroliers, au début des années 90 avec la guerre du Golfe,
en 2001 avec l'éclatement de la bulle Internet. A chaque fois, une récession de
l’économie s’est traduite par une baisse des dépenses de publicité 23 mais ces
baisses étaient limitées et la reprise du marché publicitaire fut toujours très rapide.
On s'attend à ce que la crise de 2008-2009 soit plus longue et que la reprise soit
différente des crises précédentes. Si tous les grands médias ont souffert, et
22

Voir http://www.lexpansion.com/economie/actualite-entreprise/claque-historique-pour-lapublicite_228830.html
L’auteur de cet article aurait pu l’intituler : « Claque historique pour la publicité et pour le
hors-médias » car pour la première fois ce sont toutes les formes de communication qui ont
été touchées (hormis les liens promotionnels), la publicité média un peu plus sévèrement
que les autres.
23
Voir le dossier « Marketing et crise » sur le site www.mercator.fr concernant les raisons qui
poussent les annonceurs à diminuer très rapidement leurs budgets de publicité.

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particulièrement la presse (dont la presse gratuite avec – 28% en 2009), c’est bien la
publicité sur Internet qui a le mieux résisté 24 .
Pour la première fois, les médias ont dû diminuer leurs tarifs pour faire face à la
crise. Il n’est pas du tout évident qu’ils seront en mesure de les relever, le moment
venu. La reprise du marché publicitaire pourrait se faire en volume et non en valeur.
Par son impact sur les budgets de publicité et par sa durée, la crise complique
sérieusement la situation des agences déjà fragilisée par la révolution numérique et
la pression de leurs clients annonceurs qui en veulent toujours plus pour un peu
moins.

Les agences de publicité entre trois feux

NB : La pression des annonceurs sur les honoraires est antécédente à la crise qui,
évidemment, la renforce.
« La seule façon pour que le marché publicitaire retrouve ses niveaux d'avant crise, explique
Xavier Guillon, Directeur des études à France Pub, c'est de réinventer le business model de la
publicité. Aujourd'hui les annonceurs payent moins, mais pour des pubs moins efficaces. Si
l'on veut changer la donne, il va falloir réfléchir sérieusement à de nouvelles offres, non
saturées et mieux coordonnées. C'est la seule façon pour rendre la publicité plus efficace et
donc faire réaugmenter les prix"25

24

La publicité au cinéma a très légèrement progressé mais le cinéma est un média publicitaire
microscopique qui depuis longtemps ne devrait pas être classé dans la catégorie des grands
médias.
25
Extrait de l’article de L’Expansion cité précédemment.
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FRAGILITÉ ÉCONOMIQUE DES AGENCES DE PUBLICITÉ ET IMAGE PEU
ATTRACTIVE : une spirale négative.

Pour faire face à la diminution de leur rentabilité, les agences de publicité ont
largement recours à des stagiaires et à des juniors pour remplir souvent des
fonctions plus qualifiées avec le risque que cela comporte pour la qualité des
prestations. Et, pour la création, le recours aux « free lance » s’est aujourd’hui
26
généralisé .
La publicité a de plus en plus de difficultés à attirer de nouveaux talents : les
rémunérations en début de carrière sont faibles, les perspectives d’évolution de pas
évidentes et surtout l’image de la publicité et des agences n’est plus ce qu’elle était
autrefois.
Aujourd’hui, dans les meilleures écoles de commerce, les étudiants sont moins
nombreux à s’inscrire dans les cours électifs de publicité et quand ils sont diplômés, très
rares sont ceux qui s'orientent vers les agences de publicité. Les étudiants intéressés
par la communication rejoignent… les agences web.

26 Voir « Le free lance, ce nègre de la publicité », Statégies, n°1602, 23/09/2010. Un free
lance travaille à la vacation pour une entreprise. En principe, c’est un indépendant mais il est
fréquent, aujourd’hui que des créatifs, salariés dans une agence travaillent, à leurs heures
libres, pour d’autres agences. C’est une pratique économique pour les agences. L’article
précité en montre les limites et pose la question ; « Comment une agence qui fait appel
largement aux free lance et qui laisse ses créatifs travailler pour des agences concurrentes,
peut-elle développer à terme une image de marque spécifique ? »

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5. PERSPECTIVES ET CONCLUSIONS
-

LA PUBLICITÉ NE VA PAS MOURIR.

La publicité, telle que nous la connaissons aujourd’hui dans les grands médias est entrée
dans une phase de déclin mais elle conservera une place importante dans la
communication marketing et corporate.

o Les entreprises des produits et services de grande consommation ont
toujours besoin des mass media pour toucher de vastes publics.
Certes, les vrais marchés de masse sont rares aujourd’hui dans les économies
développées mais les segments de marchés ne sont pas pour autant des niches ! Ainsi,
un segment
intéressant
pour L’Oréal doit comprendre plusieurs millions de
consommateurs potentiels.
Communication de masse, la publicité est utile pour ce type de marchés. Grâce au volume
des contacts médias qu’elle distribue rapidement, la publicité dans les grands médias
traditionnels assure une bonne couverture de larges cibles avec un bon taux de répétition.

Source : Médiamétrie, juin 2009. Voir www. journaldunet.com.

La publicité-médias est incontournable dans les nouveaux marchés. Elle restera
longtemps très utile pour les produits nouveaux, même dans les marchés matures. La
publicité aide à faire acheter pour la première fois un produit. En revanche, elle est moins
efficace pour fidéliser.

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o La publicité donne du sens aux marques ; elle crée et entretient leur
notoriété.
Or, la marque est un concept central du marketing qui perdurera. C’est le meilleur garant
de la longévité de la publicité.
o La publicité est une forme majeure de la communication
27
« push »
(communication imposée) et ce type de communication
restera indispensable.
-

Le « push » soutient les marques peu impliquantes. Bon nombre
d’annonceurs travaillent dans des catégories de biens et services peu
impliquants. Leurs marques malgré les trésors d’inventivité déployés
sur Internet (espace privilégié de la communication pull ou communication
demandée)
doivent
toujours
s’appuyer
prioritairement sur la communication imposée (push).

-

Le « push » permet de garder le contrôle du fond et de la forme des
messages commerciaux :
Avec la communication
push,
les annonceurs contrôlent parfaitement
le contenu et la forme des messages jusqu’au moment où ils
parviennent aux cibles.
La communication relayée sous
toutes ses formes (d’ailleurs souvent synonymes) : leaders d’opinion,
buzz, blogs, marketing viral et tout ce qu’on désigne aujourd’hui par
social networking, est une communication au potentiel considérable
mais qui restera toujours largement incontrôlée par les marques. Ce
serait très risqué d’y consacrer la quasi-totalité du budget de
communication.

o Le marché publicitaire (grands médias) a de belles perspectives dans
les économies émergentes.
Prévisions de l’évolution des dépenses mondiales de publicité par Carat
Croissance sur l’année (prix actuels)
Communiqué de presse du 26 mars 2010

Europe de l’Ouest
Europe centrale &
de l’Est
Chine

2009
- 11,3
- 21, 3

2010
+ 0,6
+3

2011
+ 2,1
+ 6,5

+ 12,2

+ 16,1

+ 16,6

27 Communication « push » : littéralement, communication poussée vers la cible par opposition
à la communication « pull » ou communication demandée. Le « push » est une communication
imposée et donc intrusive. Sur les différents modes de communication : push, pull, push & pull
et communication relayée, voir Mercator 10e éd., chap.7, section 2, pp. 441 sq.

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28
e
« La Chine
est devenue le 4 marché publicitaire du monde pour la télévision, derrière
les USA, le Japon et la Grande Bretagne. L’explication ? Si Internet est le média par
excellence pour les nouvelles générations de Chinois urbains 29 , la télévision reste
néanmoins le média populaire par excellence quand on veut s’adresser à
1,6 milliards
de Chinois. (…) Tous les grands groupes
de communication internationaux ou presque sont aujourd’hui présents en
Chine ; la plupart disposent d’un réseau d’étendue nationale, constitué par le rachat
successif d’acteurs locaux. Citons parmi les plus importants : Ogilvy, leader sur l’Asie,
mais aussi Publicis Worldwide, JWT, Euro RSCG, Lowe & Partners ou M&C Saatchi… »

-

MAIS LA PUBLICITÉ NE RETROUVERA PAS LE RÔLE CENTRAL ET
INCONTOURNABLE
QU’ELLE
AVAIT
AUTREFOIS
DANS
LES STRATÉGIES DE COMMUNICATION.
o La révolution est numérique, pas publicitaire.

C’est Internet qui est au centre de la rupture que nous vivons actuellement dans le
monde de la communication. On a dit que les marchés étaient devenus des

conversations ; l’enjeu des marques est de participer à ces conversations, par
exemple dans les réseaux sociaux et d’inciter les gens à venir à elles, sur leurs sites ou
leurs forums. C’est une communication interactive ou « bottom-up » alors que la publicité
classique fonctionne sur le modèle de la communication « top-down », imposée au
consommateur : « Ecoute-moi. Achète-moi. Tais-toi ».
Le modèle publicitaire n’est pas périmé pour autant mais il n’est plus nécessairement au
centre du dispositif de communication
des entreprises alors qu’il était
incontournable, autrefois, dans les marchés B to C.

28

Source : Adforum summit Shanghai, avril 2009 par Denis Boutte, EVP Gibory
Consultant.
Voir
http://www.gibory.fr/article/798/la-chine-quelques-cles-d_acces-aumarche-du-14-de- l_humanite.html
29 Surtout via le téléphone mobile.

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o Le Business model traditionnel
des agences de publicité
fonctionne de plus en plus mal mais, à ce jour, il n’a pas été
remplacé.
« Notre business model a vécu ». C’est, depuis de nombreuses années, le leitmotiv des
patrons d’agences de publicité. Mais les réponses qu’ils proposent sont loin d’être
convaincantes et aucun nouveau business model ne s’est imposé, à ce jour. Jean-Marie Dru,
grande figure de la publicité française et mondiale, déclarait, en 2009, à l’occasion de la
30
cérémonie du XXXème Grand Prix des Agences de l’année : « … Tout change, il nous
faut apporter des solutions nouvelles. Quelques exemples :
- Supprimer la barrière entre offline et online
- Devenir les experts en intégration, la discipline qui consiste à orchestrer toutes
les disciplines.
Engager des conversations avec nos audiences 365 jours par an, ce qui nous
rapproche du rythme de travail des journalistes.
Faire que l’aval, la publicité, puisse avoir un effet retour en amont sur la
stratégie marketing, voire la stratégie d’entreprise. Nous appelons cela la
Disruption 31 .
Et enfin et surtout comprendre que le monde n’a jamais eu autant besoin d’idées
neuves. (…) ».
Ces propos appellent quelques remarques :
- La suppression de la barrière entre offline et online est inéluctable à terme mais elle pose
des problèmes considérables de culture (entre le monde des médias classiques et celui du
digital), de compétences et d’organisation interne.
- Pourquoi les publicitaires seraient-ils légitimes en tant qu’experts en intégration ? Ce
sont les spécialistes d’un mode de communication et non des généralistes capables
d’aborder toutes les formes de communication, off line et on line. Depuis plusieurs
années, de nombreuses agences de publicité se sont baptisées "experts en
360°" mais cela relève le plus souvent… du slogan publicitaire !
- Les publicitaires sont-ils les mieux placés pour converser quotidiennement avec tous les
publics ?

30 Voir l’ensemble des propos de JM Dru à : http://www.we-ew.com/les-agences/quelavenir- pour-les-agences-de-publicite-768
31 Sur la méthode de la Disruption, voir Mercator 10e éd., p. 432 et 480.

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- La notion de « Disruption » est certes intéressante et elle a été novatrice en son temps,
en matière de création mais on voit mal comment elle pourrait fonder un nouveau
business model.
Toutes, ou presque toutes les agences de publicité fonctionnent sur le même
business model. Très vraisemblablement, il ne sera pas remplacé par un autre mais par des
approches très diversifiées, aucune ne s’imposant à tous.

-

CE SONT LES GRANDS
GROUPES
DE COMMUNICATION
DECIDERONT DE L’AVENIR DES AGENCES DE PUBLICITE.

QUI

Nous avons vu, dans ce dossier, que la perte d’influence des agences de publicité avait
commencé bien avant Internet. Les grands groupes de communication mondiaux se sont
créés à l’initiative de publicitaires. Fondés sur des réseaux mondiaux d’agences, ils se sont
ouverts à toutes les formes de communication. Ils ont récupéré l’achat d’espace qui avait
échappé aux agences de publicité en créant de grandes agences médias. Ils ont investi
dans la communication numérique. Ce sont des groupes multipolaires. Les agences de
publicité ne sont qu’un de leurs pôles, même s’il reste important.
Les 5 premiers groupes de communication mondiaux et
leurs enseignes principales
Revenus en milliards $ pour 2009
Source : Ad Age, Stratégies 28/04/2010
En rouge, les réseaux mondiaux d’agences de publicité au sein des groupes de
communication. En bleu les agences médias.
Rang
mondial
1

Groupe

Enseignes principales

WPP

2
3

OMNICOM
Publicis

4

InterPublic

Grey, JWT, Ogilvy, Young &
Rubicam, Groupe M, Kantar,
FullSIX, Burson Marsteller, etc.
BBDO, DDB, TBWA, OMG, etc.
Publicis Worldwide, Leo Burnett,
Saatchi, BBH, Fallon, Razorfish,
ZenithOptimedia, etc.
Draft FCB, Lowe,
McCannErickson, etc.

5

Dentsu

Revenu 2009
Milliards $
13, 6

11,72
6,3

6,02
3,11

N. B. :
- Havas est 7e avec 2,3 milliards $ de revenus et avec comme enseignes
principales Euro RSCG Worldwide, MPG, Havas Digital, Arena Media, etc.
- Kantar : études ; FullSIX : relationnel ; Burson Marsteller : relations publiques, Fallon et
Razorfish : digital.

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Débat MERCATOR

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INTEGRATION
INTÉGRÉE.

CAPITALISTIQUE

ET

COMMUNICATION

MULTICANALE

Les grands groupes de communication mondiaux continueront à dominer le marché de la
communication. Ils se sont développés sur une logique d’intégration capitalistique
en rachetant et développant des agences, d’abord des agences de publicité, puis des
agences hors-médias, maintenant des agences digitales. Chaque agence est un centre de
profit autonome qui prospecte de nouveaux clients et est en concurrence avec toutes les
autres agences de son secteur, y compris avec des agences appartenant à son
groupe de communication. Les multiples pôles d’expertise qui composent les groupes
de communication ont donc du mal à travailler ensemble malgré les affirmations très
optimistes des dirigeants des groupes de communication. Ils répondent donc mal aux
besoins des annonceurs.
Au cours des dernières décennies, la communication s’est complexifiée et avec la
révolution numérique en cours, elle le deviendra de plus en plus. La communication est
aujourd’hui largement multicanale. Les annonceurs ont besoin de compétences
multidisciplinaires capables de faire travailler ensemble des spécialistes fort divers.
Comment y arriver ?

o Scénario n°1 : Création d’équipes expertes en intégration au niveau
des groupes de communication.
Doivent-elles être autonomes et fonctionner comme des cabinets de conseil en
stratégie de communication intégrée ou être au service des agences spécialisées
appartenant aux groupes de communication ?
-

Si elles sont autonomes au sein des groupes de communication, cela suppose que
les annonceurs soient aujourd’hui
prêts à acheter une réflexion
stratégique puis des outils de communication. Pas sûr et pas facile à
organiser au sein des groupes ! Ce serait priver les agences spécialisées d’un lien
fort avec les directions de leurs clients et les transformer en agences
« boîtes à outils ». Par ailleurs, si ce modèle fonctionnait, n’y aurait-il pas un risque
de voir les annonceurs acheter une prestation de conseil stratégique dans un
groupe puis « faire son marché » pour les outils de communication dans d’autres
groupes ?

-

Les experts en intégration pourraient-ils être mis au service des agences
spécialisées ? Cette hypothèse nous paraît encore plus irréaliste que la
précédente. A la demande de qui interviendraient-ils ?
De l’agence
spécialisée, du client annonceur ? De la Direction du Groupe ? Qui les
rémunérerait ? Enfin, que se passerait-il si un expert multidisciplinaire du
Groupe, intervenant pour le compte d’une agence de publicité ou de
marketing direct proposait un plan de communication sans publicité ou sans
marketing direct ? Le conseil en stratégie est incompatible avec la vente des outils
nécessaires à la mise en œuvre de la stratégie recommandée comme un médecin
serait peu légitime à faire une prescription puis à vendre les médicaments
prescrits.

Il nous paraît donc probable que les groupes de communication mondiaux
continueront à privilégier l’intégration capitalistique dans les prochaines années sans
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intégrer les compétences de leurs différentes filiales.

o Scénario n°2 : Développement des grands cabinets de conseil en
stratégie sur le marché de la communication.
Ces cabinets de type McKinsey ou BCG ont le contact avec les directions générales des
grandes entreprises. Ce sont des spécialistes du conseil en stratégie. Depuis longtemps,
ils ont investi le marketing ce qui les amènent à s’occuper de plus en plus de problématiques
à la frontière du marketing et de la communication : stratégie de marque, fidélisation,
CRM (relationnel), mesure de l’efficacité des budgets de marketing et de
communication, etc.
Ces cabinets sont très attentifs à la révolution numérique. En conséquence, on peut penser
qu’ils joueront de plus en plus un rôle de conseillers en stratégies de communication
mais leur champ d’intervention se limitera aux très gros annonceurs, ce qui n’est pas rien.
Ils laisseront le marché des grosses PME à des consultants indépendants : individuels ou
petits cabinets.

o Scénario n°3 : Développement d’une expertise en communication
intégrée au sein des annonceurs.
C’est la voie choisie par quelques gros annonceurs américains qui ont créé des cellules
internes de stratèges en communication. Ils bâtissent des politiques intégrées de
communication
puis organisent la compétition
entre agences
spécialisées pour les mettre en œuvre. C’est une approche possible pour de très gros
annonceurs mais qui a l’inconvénient de ne pas être aussi souple que le recours à des
consultants. Comment être expert universel, c’est-à-dire sur toutes les formes de
communication et dans tous les marchés, aussi bien aux USA qu’en Chine, en Afrique du
Sud qu’en Inde ? En faisant appel à des consultants spécialisés sur un pays ou une
région du monde. On revient donc au scénario n°2.

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© Dunod Editeur, www.mercator-publicitor.fr, novembre 2010

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